vendredi 3 décembre 2010

The National @ l'Olympia, Paris (23/11/2010)

L’an dernier à la même période, les Grizzly Bear ne faisaient qu’une bouchée de la Cigale. Un an plus tard et avec une virtuosité comparable, leurs compatriotes américains ont franchi avec grâce et succès l’Olympe. Divin. 

C’est l’histoire d’un concert auquel je n’aurais jamais dû assister. Une succession de moments, d’espaces et de situations qui font que oui, The National @ Olympia aurait pu avoir lieu sans moi. Improbable.

Autant le dire tout de suite : The National est un groupe que j’apprécie bien, sans plus. Les albums sont tous bons, sans jamais atteindre cette excellence et cette ambition que je cherche. Mais voilà, c’était the place to be, et je m’en serais arraché les poux de ne pas en être. Evidemment, comme je parle rarement des concerts auxquels je n’ai pas assisté (dans ce cas je ne parle pas, je me maudis), j’étais bien à l’Olympia ce mardi 23 novembre, 19h30. Concert complet depuis des semaines + temps de réaction proche de plusieurs jours = je me retrouve à 18h30 devant la salle pour mendier un billet. Un homme crapuleux contacté sur un forum m’avait promis sa place supplémentaire. « Et tu la revends pas à un mec qui te la prends pour 50 euros hein ? », m’encourrai-je, inquiet. Bah nan, tu penses bien. C’est pas le genre. Arrivé sept minutes en retard, il m’envoie un texto genre « si t’es pas là dans cinq minutes, j’annule tout et je revends [ma] place. J'ai froid. Dépêche-toi ». Une fois sur place, essayant de le joindre, le bonhomme ne répond pas. Un, puis deux, puis trois, jusqu’à sept appels sans réponse. J’ai compris. Hum. Le gars il voulait me la vendre genre 40 euros « parce que faut bien que je me fasse du bénèf quoi ». Le désespoir me guette. Un revendeur (au) black : « Tu cherches une place ? Je te la vends 70 euros ». « Pffff, tu sais même pas qui joue et t’es là à me prendre pour un con ». « Bah si, c’est International ». Mais va te prendre, mec ! L’espoir vient d’une jolie Ecossaise qui m’a revendue sa place au prix d’achat. Deux minutes plus tard, je squatte le deuxième rang de la fosse. On n’est jamais autant content de quelque chose que lorsque cette chose a failli vous passer sous le nez. 

20h30 : prime time. Fidèle à sa ponctualité légendaire, l’Olympia baisse les lumières pour accueillir la joie (inter)nationale du soir. Inutile de dire que l’excitation est palpable. Matt Berninger arrive, verre de blanc à la main, démarche aisée, costume trois pièces stylé. Après une reprise de Dylan (me semble-t-il), ses mecs le rejoignent. Runaway ouvre le show. Départ tout en douceur. On entre dans le vif avec Anyone’s Ghost, single imparable, suivi de Mistaken For Strangers, extraite de leur élancé et gracile album Boxer (2007). Du lourd, tout de suite. Très vite. Bloodbuzz et les musiciens de cuivres font sensas’ et lâchent les fauves. Ca s’enchaîne vite, sans faux rythme. Le son est irréprochable. 

Et puis, une succession de trois titres absolument prodigieuse. Magique, ce concert sera. Fut. La plutôt rare Slow Show enchante par son flegme apparent et sa simplicité enfouillée. Berninger et ses musiciens sont à fond. Lui, surtout, comme habité par ses morceaux. Il ne chante pas. Il interprète. Stupeur générale lorsque la batterie entonne le début de Squalor Victoria, l’un des meilleurs titres du groupe imho. Morceau d’une beauté effarante, d’une puissance volage et troublante. D’une noirceur sublime. Comblé, j’étais, jusqu’à ce que Afraid of Everyone vienne m’arracher des frissons. Ce titre est émotionnellement et musicalement époustouflant.

The National pourrait se contenter d’enchaîner les morceaux comme autant de claques dans la gueule, sans broncher. Mais non. Le groupe s’amuse, échange avec l'auditoire. Les membres se taclent entre eux. Berninger à son guitariste qui blablatait je ne sais plus quoi : « OK, now just shut up ». Ou encore : « You French people don’t use to be so respectful ». The National casse l’image de groupe parfait que certains commentateurs ont voulu leur attribuer : « C'est le plus grand groupe au monde », Bernard Lenoir said. Mais si ce concert fut à ce point grand et inoubliable, c’est parce que ces gars d'Ohio ont prouvé qu’ils étaient loin du perfectionnisme dans lequel ils se sont englués album après album ; aussi bons ceux-ci soient-ils. Leur performance scénique est rêche, brutale, quasi animale. Matt Berninger n’hésite pas à pousser de grands cris, à se rouler par terre comme un enfant ou un lion, on ne sait plus trop. Ou les deux à la fois. D’habitude si discret, le maître de soirée extériorise sa rage dans des échos de voix sidérants, jamais accablants, parfois estomaquants. 

La géniale Fake Empire conclut de la meilleure manière qui soit la première partie du set. On sait que les boys vont revenir. Mais la question est : « comment faire du rappel le point d’orgue d’un concert sans fausse note ?». Le groupe réapparait avec un titre de leur album Sad Songs for Dirty Lovers (2003) : Lucky You. A qui le dis-tu… 

Alors que je pensais avoir atteint le zénith avec l’enchaînement Slow Show/Squalor Victoria/Afraid of Everyone, voilà que Mr November se pointe. Morceau dantesque. Berninger lâche les rênes et se jette dans la fosse, son micro bien accroché, se frayant un passage dans la foule. Les lumières jaillissent, les visages rayonnent. « C’était de l’impro », m’assure le vigile à la fin du concert, hagard face à l’élégante désinvolture de Matt et heureux pour sûr d’avoir pu assister à la performance de Mr Berninger, à qui il a dû tourner le dos pendant la centaine de minutes du show. En 2007, Arcade Fire marquait son concert par un Wake Up scandé live from cette même fosse. Même lieu, même instant chair de poulant. What else ? Terrible Love, assez belle mais trop balbutiante sur High Violet (2010), prend une dimension nouvelle sur scène. Vanderlyle Crybaby Geeks sera le mot de la fin. Berninger et les siens se rapprochent, s’unissent devant la scène pour une version acoustique magique. Matt est au bord des larmes. Je rends les armes.

Seul regret a posteriori : l’absence de Sufjan Stevens, pourtant présent aux côtés du groupe à Londres quelques jours plus tard. Nul doute que le bougre se réserve pour une tournée d’ivresse printanière attendue comme jamais. 

9/10

Runaway
Anyone's Ghost
Mistaken for Strangers
Bloodbuzz
Baby We'll be Fine
Slow Show
Squalor Victoria
Afraid of Everyone
Available
Conversation 16
Sorrow
Apartment Story
Daughters
England
Fake Empire
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Lucky You
Mr November
Terrible Love
Vanderlyle Crybaby Geeks


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