mercredi 15 août 2012

Radiohead, jamais deux sans toi ni moi (Arènes de Nîmes, 11/07/2012)



La question est sur toutes les lèvres : le deuxième concert de Radiohead va-il être différent de celui de la veille ? Et peut-il le surpasser ? Certains sont là depuis 6 heures du matin, ce mercredi 11 juillet ensoleillé. Ils occupaient déjà le parvis des Arènes la veille. Ils savent déjà que le show sera fidèle au groupe tout en étant novateur par rapport au premier.
Le soundcheck quelques heures plus tard rassure tout le monde : bon nombre de morceaux entendus ne figuraient pas sur la setlist du mardi. L'excitation est déjà palpable. Alors que faire en attendant ? Prier. Manger. Discuter. Radiohead est-il un groupe immortel ? Lui qui a déjà momifié les Arènes plusieurs fois par le passé. 2003. 2008. 2012, finalement. Quel combo ! Yorke et les siens ont montré une forme olympique le soir d'avant, il n'y a pas de raison pour que cela change ce soir.

Quelques mots d'abord sur la première partie : Caribou. L'artiste canadien ne soulève pas les foules mais propose un set ultra-calibré et percutant, malheureusement sous-estimé. Heureux avec ses musiciens d'être là et de faire figure de supporting band des Oxfordiens, Dan Snaith et ses titres s'enchaînent vite et frappent le corps comme il se doit. Odessa ou Run sont des pépites matriarcales, de celles qui nous caressent la poitrine en faisant dodeliner nos reins. A (re)voir dans des conditions plus adaptées, cependant (show éblouissant à Primavera en 2010 devant une foule transcendée). Le soleil est d'aplomb. Les tribunes se remplissent doucement mais sûrement, totalement pleines après le set de Caribou; La fosse bien plus loquace que la veille. Tout est réuni pour un concert, une fois encore, inoubliable. Et il le fut.

D'une humeur égale à celle de la veille, Thom Yorke et son quatuor sépulcral (plus un batteur accompagnant Phil Selway, comme s'il en avait besoin...) sont d'ores et déjà d'humeur joviale. L'expression infantile de Colin Greenwood est attendrissante. Ed O'Brien semble avoir pris trois années dans la face en une journée. Et Jonny Greenwood, toujours aussi énigmatique et professionnel, est notre Jonny national à nous, fans du groupe. Ils attaquent plein pot sur Bloom, tirée de The King of Limbs. Déjà entendu la veille, le morceau est fidèle à son statut : bon sans être transcendantal. Aucune erreur cependant, le deuxième titre va mettre tous les grincheux d'accord. La cataclysmique et inespérée Kid A arrive sous l'oeil complice de Thom, du genre : "Vous vous y attendiez pas hein, bande de bâtards ?". Pas jouée à Nîmes depuis 9 ans, Kid A est sidérante. Atomique. Voix trafiquée, instrumentation subliminale, on ne pouvait espérer plus grosse claque pour un tel début de show. Car oui, ce n'est que le début et il est déjà inoubliable.  

Sans grande suprise, les titres de TKOL ressemblent à ceux d'hier, dans leur version. Cela tombe bien, ce sont les mêmes. A l'exception de Codex, qu'on regrettait hier et que le groupe nous offre enfin dans une version sobre et habitée. Silence absolu, le règne débute. Etudions les raisons pour lesquelles Nîmes II est exceptionnel, meilleur que son allié d'hier.


Lorsqu'un un groupe est au paroxysme de ses capacités, à l'apogée de son Art, on n'appelle pas ça de la maîtrise mais du pharaonisme. Plus de 70 morceaux répétés pour cette tournée, des concerts atteignant les deux heures trente, imaginez le monument. Tous albums confondus (sauf Pablo Honey), des B-Sides, même si aucune ne sera jouée ce soir (pas même la tant désirée et désirable The Amazing Sound of Orgy), des nouveaux morceaux, en veux-tu, en voilà ! Doté d'un tel répertoire, Radiohead peut tout se permettre et nous offre le luxe d'altérer ses setlists très régulièrement. Un bonheur pour le passionné. Le groupe, exigeant avec lui-même, sait que ses fans en attendent beaucoup. Lorsque les coups de griffes à la basse de The National Anthem résonnent dans l'arène, ces derniers sont conquis et s'envolent dans une danse extatique et allumée. Le morceau semble encore meilleur et plus percutant au fil des performances. Même diagnostic pour Videotape, subjugante et atrophiée dans une version à l'écrin noir doré, mille fois supérieure à la bancale version d'In Rainbows. C'est ce qui fait toute la différence entre un concert et un live depuis YouTube : le frisson, le regard complice de son voisin de fosse, les gestes du groupe font de la représentation scénique une expérience unique whatsoever (comme ils diraient). Et avec Radiohead, la véracité de cette analyse n'en est que plus démontrée.

Par ailleurs, souvent une chanson marque une vie non dans sa globalité, mais par un enchaînement de notes qui donne des haut-le-coeur. Et les coeurs sont bien hauts lorsque le triumvirat Climbing Up The Walls / Nude / Exit Music détonne. Incroyable enchaînement qui restera dans les annales : la première nous envoie sur Uranus, la deuxième nous fait visiter les étoiles tandis que la dernière nous rappelle que la plus belle odyssée est celle de la communion entre le cœur et l'esprit. Totales démonstration et réussite, moments inoubliables gravés en son for intérieur.

Au final, il n'y a plus grand chose à dire. La retranscription de telles émotions relève ici de la torture pour son auteur et ceux qui n'étaient pas là. Faisons des pauses, des silences, regardons à l'intérieur et autour de nous, Radiohead semble travesti dans une représentation christique du bonheur sur Terre. Le rappel, tellement osé, foutrement acclamé, atteint encore une fois des sommets d'orgie. Treefingers est encore plus barrée que la veille tant Thom et Jonny ne savent qu'en faire pour la conclure et ont compris que tout est vain, au final. Myxomatosis pulse sa capsule Soyouz et fait passer une expédition sur Mars pour une action routinière. Quelle puissance métrique, charnelle et frontale. C'est insensé. Le diptyque Everything In Its Right Place et Idioteque ne méritent aucun commentaire : les corps et les sourires du public s'en souviendront pour l'éternité. Street Spirit en deuxième rappel, c'est le satellite sur la constellation Radiohead. Un immense et intense moment de bonheur.

Tout a déjà été écrit, ou presque. Mais la mémoire parfois est défaillante. Alors retenez bien ceci : Radiohead n'est peut-être pas le plus grand groupe de tous les temps (quelle mégalomanie outrancière), mais c'est personnellement celui qui m'a permis de découvrir tous les grands artistes qui m'accompagnent depuis des années. Sans lequel je n'aurais pu vivre que dans l'ignorance triste et souffrante. Radiohead à Nîmes, le mercredi 11 juillet 2012, n'est pas seulement un inoubliable concert, c'est aussi et surtout l'un des plus beaux moments de ma vie.



Setlist
Note: Morning Mr Magpie, Kid A, The National Anthem, Codex, All I Need, Climbing Up The Walls, House Of Cards, Myxomatosis, Everything In Its Right Place, Street Spirit (Fade Out), How To Disappear Completely, Airbag, Planet Telex, Supercollider and Bloom were soundchecked.

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