lundi 27 août 2012

Rock en Seine : les meilleurs concerts



Un environnement généreux, une flopée d'artistes -environ 70 artistes ou groupes - et 110 000 spectateurs en trois jours : Rock en Seine frôle parfois avec la démesure. Bien qu'abordable et facilement accessible en comparaison à certains de ces acolytes européens (coucou Reading !), le festival tire sa force de sa programmation, à la fois mainstream, exploratrice et plus exiguë. Voici les dix (parmi les 24 auxquels j'ai - parfois partiellement - assisté) concerts les plus marquants de cette dixième édition du rendez-vous estival parisien (#10 -> #6)


#10 - Of Monsters and Men (Islande) et Hyphen Hyphen (France) : Les premiers sont les  représentants de l'île de glace à Rock en Seine (avec Sigur Rós, les seconds sont en revanche l'une des rares formations hexagonales à allier électro et rock avec aisance et classe. Six sur scène, les Islandais manient leurs ritournelles fraîches et allumées de manière convaincante. Joie de jouer communicative, prise de tête aucune, pop-folk efficace : la recette de ces natifs de Reykjavik fait mouche, et entraîne la foule curieuse qui ne s'attendait pas à pareil moment sur la Grande Scène. Groupe choral à la Arcade Fire, Of Monsters and Men a tous les atouts d'une grande formation scénique : leur prochain album à paraître, My Head is an Animal, est on ne peut plus explicite. Comme quoi, on peut sembler froid de prime abord car Islandais et réchauffer le coeur auditif comme un bel album photo automnal.


Quant à Hyphen Hyphen, il s'agit de l'inattendue révélation du festival. Encensés par la presse et déjà bien rodés sur scène malgré leur récente découverte, les Français délivrent des sonorités à l'épatante précision et assurance. Inspirés par Phoenix et LCD Soundsystem, Santa, Line, Puss et Zak n'ont cure de pasticher leurs aînés et distillent leur rock frénétique et leur bidouillis sonores électrisent la scène. Sans prétention mais sûrs de leurs capacités, Hyphen Hyphen pique le corps comme une mouche d'été bien lunée. 


#9 - Noel Gallagher (UK) : L'histoire est loufoque. En 2009, Oasis annule à la dernière minute son concert ici-même, après une percutante altercation entre Noel et son frère Liam. Trois ans plus tard, les choses ont changé et les ardeurs se sont aplanies. Arguant désormais en solo, Noel Gallagher étonne son monde. Fiable, efficace et dandyesque, son set ravit l'audience de la Grande Scène sous un soleil timide mais bien présent. L'enfant terrible n'a pas l'air de vivre le moment le plus funky de sa vie, mais il fait le job, en bon professionnel qu'il est. On ne lui en demande pas plus. Plus flegmatique que jamais, Noel parvient à communiquer une blessure, une sincérité, perdue entre des notes et des aphorismes mille fois réécrits. Une renaissance ? Evidemment que non. Une confirmation, une de plus, du talent du Mancunien, qui, lorsqu'il n'est pas entaché d'histoires familiales épuisantes et pitoyables, devient brillant et guide les yeux vers les plus beaux cieux. Preuve qu'il n'a pas la rancune facile, Gallagher interprète cinq morceaux sur treize de son groupe originel, notamment Whatever et Don't Look Back in Anger, parfaite conclusion de set. Merci Noel. Poke Liam.  


#8 - Bewitched Hands (France) : Festival de renommée internationale ou du moins européenne, Rock en Seine et ses organisateurs ont fait la part belle aux autochtones, en leur accordant une large place dans la programmation de ces trois jours. Il ne fallait pas compter sur The Bewitched Hands pour leur montrer qu'ils avaient tort. Le collectif de Reims dégage une telle énergie, une vérécondie audacieuse jouissive et une musique si "popisante" qu'il se place sans difficulté aucune dans la liste des grands moments de ce festival. Programmés à 18 h 30 sur la scène de l'Industrie, Sébastien Adam et ses acolytes offre une pop d'orfèvre, dont la richesse de l'instrumentation équivaut au bonheur ressenti par le public. Même s'ils n'inventent pas la poudre et leurs influences restent un peu trop visibles, les six membres délivrent un show d'une telle sincérité qu'on leur excuserait bien volontiers tous les à-peu-près du monde. Les titres du tout récent EP, Thank You Goodbye It's Over baignent dans une nébuleuse mélodique et accrocheuse. Marianne Mérillon, la seule femme du groupe, singe parfois Régine Chassagne d'Arcade Fire - tant dans la voix que dans l'attitude - mais il y a pire comme modèle. Le titre We Are Together lorgne quant à lui du côté des Clap Your Hands Say Yeah ou des moins incroyables Vampire Weekend. Mais qu'importe. D'une grande fluidité et générosité, le spectacle offert est de très bonne facture. Humain, avant tout.


 #7 - Get Well Soon (Allemagne) : Certains concerts sonnent davantage comme une prise de risque insensée que comme un réel plaisir à partager. Celui de Get Well Soon est de ceux là. Devoir gérer un ensemble de cordes et cuivres sous une pluie battante, on a connu mieux comme moment récréatif pour un vendredi d'été. C'est sans compte sur le talent et le savoir-faire de Konstantin Gropper qui, orné de son collectif, délivre une prestation d'une grande puissance émotionnelle. Alors oui, la météo est capricieuse et le son loin d'être parfait, mais lutter contre les éléments n'est-il pas le meilleur moyen d'espérer un prompt rétablissement ? D'une classe absolue, Gropper et ses musiciens sont traversés tantôt par l'allégresse, tantôt par la tristesse. Mais la belle, pas celle qui morfond comme un léopard neurasthénique au beau milieu d'une savane. Les Allemands ont une sensibilité bien à eux, comme le génial Hauschka, qui paraît froide mais qui sonde l'esprit. Peu importe les imperfections, l'essentiel est dans l'intention. Et à ce niveau-là, Get Well Soon prend tout le monde de cours. Qu'importe aussi si d'insignifiants morveux braillent en se dirigeant vers la Grande Scène pour applaudir (ou fuir) Dionysos, des oeuvres telles que Seneca's Silence ou l'ahurissante 5 Steps 7 Words brûlent notre for intérieur comme n'importe quel virus qui viendrait à bout de l'être tant aimé, alors mourant dans la chambre que l'on partagea, il fut un temps. 


#6 - Agoria DJ Set (France) : Lorsque le corps est poussé dans ses retranchements et les pensées noyées dans la clairière bleutée qui nous sert de ciel, il ne reste guère qu'une électronique peu usitée et pétaradante pour nous sortir du marasme. Et celle du DJ national Agoria est allée bien plus loin. Venu clore une journée riche en concerts et en palpitations, le set concocté par Sébastien Devaux a tenu plus que ses promesses : il a ébloui les milliers d'ombres en transe qui parsemaient tout le domaine de Saint-Cloud. Pas seulement une poignée de jusqu'au-boutistes, non, cette électro là résonne bien plus loin que le bout de sa platine. Limées comme une pépite d'or, brinquebalantes et orgasmiques, les sonorités expulsées ont insufflé le supplément d'énergie spontanée dont le festival manquait jusqu'alors. Une électronique non pas bombastique mais belle, précise, fine, et, en un mot, dévastatrice. Pas étonnant que le Monsieur, soit l'un des créateurs de l'excellent festival les Nuits Sonores de Lyon et ait cofondé le valeureux label InFiné. Il n'y a pas de hasard, même au bout d'une soirée enivrante. Et l'on aimerait tant que cette musique nous berce et torture toute la nuit durant. Guère avenant d'en dire plus, tant l'expérience sensorielle confine à l'intimement personnel. Mais les sourires, les membres agités et les lueurs fugaces, en ont dit long, ce soir-là, menés d'une main de fer par Agoria, pas si lointain d'un Jeff Mills, maître de l'Agora de Rock en Seine, le temps d'un set trop court mais marquant, vraisemblablement, tous les courageux qui n'ont eu cure de rester sur la bonne impression laissée par le concert des Black Keys, une heure auparavant. Frissons en cascade. Et ce n'est pas fini...

Suite : #5 -> #1 à venir prochainement ;-)


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