mardi 20 novembre 2012

Peter Broderick - These Walls of Mine



En bon Américain téméraire qu'il est, Peter Broderick se montre plus que jamais stakhanoviste. nous servant facilement un album tous les ans. Un rythme si effréné pourrait conduire à l'essoufflement voire à l'overdose. C'est bien aussi de prendre son temps, réfléchir à se renouveler, faire un break, bref, nous laisser respirer, par Peter ! Auteur d'un superbe It Starts Hear en février dernier, le famélique compositeur d'Oregon est déjà de retour. Connu pour ses talents de multi-instrumentiste et son toucher unique du piano, le jeune Broderick est un surdoué mais souffre d'un syndrome regrettable : prouver au monde entier qu'il est talentueux, en ne montrant souvent qu'une seule et même palette de ses ébouriffantes capacités. Il n'est pas le seul : l'Islandais Olafur Arnalds (également signé sur Erased Tapes) est de ceux là. Mais comment leur en vouloir puisqu'ils le font si bien ? Pour la prise de risque, il faudra repasser. Ce qui compte aussi dans la réussite d'une œuvre, c'est aussi et surtout sa contenance (corpulente ou diaphane, peu importe) son atmosphère, la reconnaissance au bout d'une seule mesure de notes jouée. Et à ce jeu là, Peter Broderick s'en sort haut la main. Il est loin le Docile de 2007, personnage sonore épatant et hautement singulier. Il n'avait que 20 ans. Cinq ans plus tard, il se dépêche mais oublie un tant soit peu d'explorer d'autres terrains. C'est d'autant plus dommage que le garçon en a les moyens, ces bandes-sons cinématographiques en attestent. Ses parents auraient dû lui offrir un piano à 5 ans, un violon à 9 ans, mais ont dû oublier la guitare électrique des 13 ans, indispensable à la construction psychique de tout enfant aspirant à devenir musicien, vraiment.

 Propret sur lui, l'interprète fascine dans l'utilisation audacieuse qu'il fait se sa voix : tranchée, fluviale, angélique, torturée, chorale (Proposed Solution to the Mistery of the Soul). Le flow dirigiste de When I Blank I Blank ressemble à de l'auto-plagiat de sa précédente œuvre. Soit on s'appelle Radiohead et on est apte à offrir deux albums d'une même session publiés séparément, à quelques mois d'intervalle là-aussi (Kid A, 2000 puis Amnesiac (2001) soit on brode sa brique et on fait des double-albums, tant les ressemblances entre It Starts Hear et ce nouvel opus deviennent gênantes. L'Américain s'écoute chanter, se croit intouchable alors que ses chansons sont patentes, parfois lourdes car déjà trop usées par le passé. Le dyptique These Walls of Mine, entre auto-confession usitée et flow hip-hop qui ne lui correspond pas du tout, sème la panique, puis lasse. La seule audace provient de ces huit minutes de Copenhagen Ducks où le jeune déjà grand insuffle sa patte pour offrir un morceau d'une grande beauté, paradoxalement aquatique et christique. Mais répétons-le : le talent s'utilise à bon escient et parcimonieusement, a fortiori lorsqu'on en dispose d'une bonne dose. Peter Broderick l'a jouée soviétique, trompant l'image du bel ange élancé qu'on avait de lui pour la transformer en homme dur comme une coque d'oeuf presque creuse. Rendez-vous en décembre pour un troisième album en guise de belle ? 

4.5/10

(Erased Tapes / Differ-ant)

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