vendredi 14 décembre 2012

Top Albums 2012 (25 -> 11)


#25 Spitzer - The Call


Appelez cela comme vous voudrez : révélation, bombe, trop-de-la-balle, made in France.  Damien (batterie) et Matthieu (guitare), révélés par le festival Les Nuits Sonores, ont transformé leur cocon ménager en studio d’enregistrement à Lyon. Pas de temps à perdre. Quelques remixes osés (Kylie Minogue, Sally ShapiroPortishead) et le tour est joué. Car The Call est un de ces disques qui appellent au respect, à l’écoute minutieuse et surtout à la danse énamourée. Quel flair qu’a eu – encore une fois – le label InFiné sur ce coup-là. Spitzer renvoie des mecs comme C2C dans un champ de Bourgoin Jallieu, entre les vaches à lait productivistes et les faiseurs d’opinion à l’instinct grégaire. -> Chronique complète ici
A écouter : Breaking The Waves, Clunker, Masbat.

#24 Benjamin Biolay - Vengeance


La réputation du Monsieur n'étant plus à faire, passons sur son statut d'icône de la chanson française? Avec Vengeance, Biolay se livre à un exercice périlleux : éviter de faire d'un disque polyphonique (instrumentations opulentes, touche-à-touche) un simplet name dropping à deux balles (Vanessa Paradis, Orelsan, Oxmo Puccino, Carl Barat, etc). C'est réussi. Vengeance n'est le fruit que d'une longue et remarquable carrière, de ces premiers disques passés inaperçus alors que l'on a l'intime conviction qu'ils sont bons et profonds. Revanchard, le petit. Et gagnant sur toute la ligne.
A écouter : Ne Regrette Rien, Sous le Lac Gelé, Personne Dans Mon Lit.

#23 Tindersticks - The Something Rain


N'étant pas un spécialiste du groupe, ne comptez pas sur moi pour vous dire que "ce neuvième album est l'aboutissement d'une carrière merveilleuse, l'auréole d'un cheminement implacable, un rayon de soleil dans nos souvenirs meurtris par l'absence" (non mais sérieux quoi). Je me contenterai de relever les grandes qualités d'un disque taillé pour les saisons froides (je vous ai déjà parlé de la théorie des saisons ?) : The Something Rain parvient à faire naître une émotion, qui nous prend à la première croche et qui ne part que longtemps après la fin du disque. Et ça c'est fort. Difficile de récompenser un seul titre tant le disque brille par sa teneur, mais The Fire of Autumn est quand même une bonne tasse de thé qu'on avale par le coeur. 
A écouter : Chocolate, The Fire of Autumn, A Night to Still.

#22 Mount Eerie - Ocean Roar


Après avoir lâché son projet The Microphones en 2003, Phil Elverum n'a pas chômé, au point de sortir deux albums cette année : Clear Moon et celui dont je vous parle. Ce dernier satisfera tous ceux avides de post-rock délicat, de sonorités brumeuses et puissantes. Pas révolutionnaire mais vraiment prenant. 
A écouter : Pale Lights, Ocean Roar, I Walked Home Beholding.

#21 Mermonte - Mermonte


Beau et envoutant comme rarement la pop française l'a fait, Mermonte délivre le meilleur disque français de l'année. D'une délicatesse et d'une fraîcheur inouïes, l'album donne envie de prendre le large, sur un voilier, et de ne jamais se retourner, si ce n'est pour contempler les espèces de l'océan. Je pense que Ghislain Fracapane et les neuf (!) autres musiciens du groupe sont capables d'aller beaucoup plus loin, à condition d'insuffler un peu de sang à ces compositions trop parfaites pour faire vraiment mal. Mais quand même :  régal absolu.
-> Chronique complète ici + portrait de Mermonte.  
A écouter : David Le Merle, Eté, Oups.


#20 Godspeed You! Black Emperor - Allelujah! Don't Bend! Ascend! 


Beaucoup de choses ont été dites sur cet album de GY!BE, le premier en 10 ans. Comme quoi "Godspeed n'évolue plus, fait du surplace". Peut-être. Il aurait pu sortir dix ans plus tôt, le disque n'aurait pas été plus précurseur. Mais ce n'est pas tant les Canadiens qui n'ont pas changé que l'équilibre du monde lui-même qui s'est bouleversé. GY!BE a longuement fait état de son inquiétude face au "chaos". Sauf qu'en une décennie, tout est partie un peu plus en couille, donc pas de raison que l'album ne noircisse un peu plus le tableau. Même si on aurait aimé plus de claques (à ce titre, Lift Your Skinny... et Yanqui U.X.O sont des ouragans dans la face), GY!BE n'a plus grand chose à prouver et n'en a plus rien à foutre d'être en avance. Pourquoi aller plus vite que le monde si c'est pour finir la tête coincée dans un tas d'ordures ? Pas de raison qu' Efrim Menuck et les siens payent pour les conneries des autres. Jamais un disque n'aura paru aussi en phase avec son monde. 

#19 Kindness - World, You Need a Change of Mind


Sur le papier, l'album avait tout pour se casser la gueule : titre pompeux, chanteur au look improbable, ode au "disco des années d'antan"... Pas de quoi jacasser dans son slip. Il n'y a qu'à voir les morceaux de World, You Need a Change of Mind joués sur scène en 2010 pour se dire qu'Adam Bainbridge allait droit dans le mur. "Alors pourquoi tu le fous en #19 ?". Bonne question. Kindness n'aurait pas volé sa place dans le top 10. Kill For Love de Chromatics à part, cette pépite est probablement la mieux produite de tout ce qui est sorti en 2012. Incroyablement discoïde et aventureux, World,... est d'une légèreté, d'une hétérogénéité stylistique à couper le souffle. Que des tubes, alliant funk, soul, jazz, pop, dans un même refrain. L'album est frais, stylé, terriblement séduisant, y compris dans ses fautes de goût. Bainbridge assume tout et suit son instinct. Ca peut paraître désuet, un peu vaniteux, ça n'en demeure pas moins excellent, et c'est tout ce qui compte. Puisse le monde en prendre de la graine. 
A écouter : SEOD, That's Alright, Cyan.

#18 Cheek Mountain Thief - Cheek Mountain Thief


J'ai eu la petite chance de rencontrer Mike Lindsey (ex-Tuung), chef de file de Cheek Mountain Thief, lors de mon séjour en Islande. Par le plus grand des hasards, nous nous somme retrouvés assis face à face prenant les mêmes cours d'islandais. "Ah, tu es journaliste musical ? Moi je fais de la musique, je reviens d'Husavik où j'ai enregistré un album, mais rien de foufou tu sais". Il n'en fallait pas plus pour qu'on aille voir plein de concerts ensemble. N'ayant même pas cherché à écouter ses travaux, c'est lors de mon retour en France qu'un pote me parle de Cheek Mountain Thief et que je daigne m'y intéresser. Putain la voix me dit trop quelque chose. J'ai mis plusieurs semaines à faire le lien. Alors bien sûr que le disque a une valeur un peu spéciale du coup, mais s'il avait été mauvais j'aurais été le premier à ne pas en parler. Sauf qu'il est génial, tu vois. Et que ce premier album sous ce nom est une merveille de folk artisanale orchestrale, sans chichis, sans "j'ai-mal-au-coeur-je-me-réfugie-dans-une-cabane-pour-composer" (bisous Justin). Non, Cheek Mountain Chief est joliment verni, bâti avec peu de moyens, mais avec beaucoup d'allure, de sobriété et d'entrain. Mike, si tu me lis... Takk fyrir
A écouter : Cheek Mountain, There's a Line, Darkness.

#17 Julia Holter - Ekstasis


La Californie a voulu la jouer pute en gardant pour elle Julia Holter, au point que Tragedy (2011), son premier album, est quasiment passé inaperçu en France. Tout est une question de timing, et tôt ou tard Holter allait être reconnue. Codirectrice du label Human Ear Music, meneuse de son projet The Remarkable Things About Swans, la belle n'est pas née dans les choux. On pourrait dire qu'Ekstasis, à l'image de son merveilleux single In The Same Room, est un condensé d'onirisme, de candeur, de bande son pour câlins avec son chat. J'y vois avant tout un travail titanesque, un souci de composition remarquable, et une formidable mise en abyme du songe. C'est comme si Holter voyait tout dans nos rêves, sauf que contrairement à nous, elle en extirpe les moindres détails, y compris les plus inavouables et amnésiques. Tout ceci est bien plus que mignon : c'est indéchiffrable. 
A écouter : Marienbad, In The Same Room, Four Gardens

#16 Beach House - Bloom




Tout le monde sait que Bloom est génial en tout point. Pour une fois, tout le monde a raison. Joyeux Noël.
A écouter : Myth, Lazuli, New Year

#15 Young Man - Vol. 1


Grand admirateur de Deerhunter, Animal Collective et Beach House, il était à craindre que Colin Caulfield ne se contente de piocher ici ou là du côté de ses pairs pour son sophomore album. Le résultat aurait été catastrophique et très peu inspiré. Il n'en est rien. Vol. 1, d'une terrifiante maturité, est là encore un précis de composition. A seulement 23 ans, Colin Caulfield nous attrape le coeur pour ne plus jamais le relâcher. Rien ne dépasse, rien n'est en trop, tout est absolument bien travaillé, bien pensé, ce putain de disque a un pouvoir hypnotique de malade. Ceux qui l'écouteront en pensant que ça suffira pour gépi toute la discographie des groupes à la cool du moment peuvent directement balancer leur matériel hi-fi par la fenêtre et se jeter avec par la même occasion.
A écouter : By And By, Do, 21.

#14 DIIV - Oshin

DIIV n'a pas vocation à imiter qui que ce soit, surtout pas Beach Fossils, dont Zachary Cole Smith, leader de DIIV, est membre. Ici, pas une seule croche ou demi-pause n'est superflue. Alors que les mélodies se déversent, la lassitude aurait pu pointer. Mais non, le rêve éveillé subsiste grâce à la pointe de nostalgie moderne qui ronge les titres. Pour l'exemple, Earthboy est d'une tristesse infinie quand on l'autorise à entrer dans notre tête. Quel incroyable équilibre trouvé ici, sans jamais tomber dans la torpeur apathique. D'une fluidité et d'une puissance magistrales, Oshin dérobe le bijou certes pas révolutionnaire mais qui brille de mille feux. Une telle intensité désintéressée, voilà ce qui manque aux productions actuelles, trop avides d'ostentation mal placée. Oshin est une escapade infiniment DIIVine. -> Chronique complète ici. 
A écouter : tout, l'album n'est pas un coupon gagnant à découper.  

#13 Jonathan Boulet - We Keep the Beat...


La nouvelle graine que propose Jonathan Boulet, 24 ans, est vouée à transformer le boulet en bouquet estival. C'est l'été dans ce côté de l'hémisphère, mais l'Australien connaît l'hiver et nous régale. Après un premier album éponyme (2009) enregistré et composé seul dans un garage comme un roc autodidacte, le jeune homme s'entoure ici de nombreux musiciens pour donner vie à ses idées farfelues. Comparables à l'énergie foutraque de Vampire Weekend, les compositions de Jonathan Boulet sont cependant plus denses, plus envolées et tout simplement plus belles. D'apparence bordélique et allumé, l'album est, si on l'observe de plus près, un édifice bien rangé, qui égaye par sa polymorphie et sa délicate folie. Tant d'énergie revigorante, vraiment. Des boulets aussi présentables et canons, on en voudrait à foison. -> Chronique complète ici
A écouter : Hallowed Hag, Piano Voca Slung, Black Smokehat


#12 Here We Go Magic - A Different Ship


Encore un groupe venu de Brooklyn, encore un grand nom signé chez Secretly Canadian, et encore une renversante production publiée cette année. Point trop de grâce et de magie ici nécessaire, c'est surtout l'excellence rythmique et le don d'insuffler à chaque note une authenticité exemplaire qui frappe. Bien sûr, le bijou est produit par Nigel Godrich (Radiohead, Air, Beck). Il n'y a pas de hasard. A Different Ship est fantastique de bout en bout. 
A écouter : Make Up Your Mind, I Believe in Action, How Do I Know.

#11 Sylvain Chauveau - Simple



La ville de Bayonne comporte deux intérêts majeurs : son jambon, dont la réputation n'est plus à faire, et Sylvain Chauveau. Simple répertorie 18 titres, inédits ou raretés, composés entre 1998 et 2010 et écrits principalement pour le cinéma. Pour sa deuxième livraison sous le label FatCat (après Un Autre Décembre, 2003), Chauveau frappe fort. Il n'est plus question pour lui d'étonner son monde comme il l'avait fait avec un album revisitant Depeche Mode (Down To The Bone, 2005). Qu'a-t-il encore à prouver ? Malgré l'hétérogénéité des sources et la densité chronologique des compositions, Simple s'écoute d'une seule traite, séduit par sa profonde cohérence et illumine par son inextricable beauté. Dès lors, on se plaît à espérer une collaboration de rêve entre Sylvain Chauveau et Nils Frahm, pour s'engager dans une folle entreprise : mettre le silence en musique, comme il semble en appeler à la fin de son œuvre. Il n'y a pas de raison que l'amitié franco-allemande ne soit légion qu'au sommet de l'Europe.  
A écouter : Within The Orderly Life, Everything Will Be Fine, Beast.

Fin du top albums 2012 publié prochainement. Que du lourd.

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