vendredi 2 mai 2014

SOHN - Tremors (2014)


Ce fils d’on ne sait qui, né sous une très bonne étoile, a surpris tout le monde en juillet dernier, ouvrant pour James Blake à la Cité de la Musique. Ses orchestrations raffinées, les boucles entêtantes et autres machineries électroniques, se sont imposées d’elles-même. Comment avait-on pu vivre sans avoir croisé la route de cet homme diaphane, natif de Londres, Viennois de résidence. Serait-ce un furtif coup d’un soir ou le commencement d’une relation faite pour durer ? Tremors, son premier bébé, ne laisse aucune place au doute. Incroyablement fécond, d’une maîtrise accablante et d’une rare densité, l’album dévoile sans sourciller et avec une force dans la caresse une electronica riche et atmosphérique. La voix lunaire de SOHN, proche d’un Thom Yorke ou de Sascha Ring, sied tellement bien ses compositions qu’il est impossible de détacher les éléments entre eux. Plutôt qu’un collage de sons bidouillés, Tremors est une constellation faite de petites particules, dont l’absence de l’une d’entre elles ferait défaut à toutes les autres. Langueur de basse et flow impeccable sur Ransom Notes, complainte déchirante au piano sur Paralysed - mais quels aigus ! -, l’amplitude des terrains conquis par l’Autrichien d’adoption est limite désinvolte. Le sublime Walls (2007) d’Apparat est terrassé, déclassé au rayon des disques prometteurs. Toutes les abîmes de SOHN étaient pourtant présentes lors de son live, mais la production irréprochable de l’opus - allez, peut-être un peu trop proprette - rend davantage justice à ce jeune talent fait pour perdurer. Ce qu’il y a de saisissant avec lui, c’est cette impression sans relâche que le divin artiste, au-delà d’être un créateur et un aventurier crépusculaires, est avant tout, et c’est là le talon d’Achille de bon nombre de génies contemporains, un minutieux auditeur. Il a dû s’enfiler des nuits à écouter les discographies de Boards of Canada, Mount Kimbie, Brian Eno et tant d’autres. Il en a recueilli le plus solide pour en extirper des bribes d’intimité, et, fait rare, d’authenticité. La claque provoquée par l’introductive Tempest pose les bases : falsetto sublime, accalmie du synthé, boîte à rythmes au rythme militaire… L’émotion est pure. Le tout est enveloppé dans une texture bien plus pop que krautrock, voire même dubstep. SOHN est un démocrate, avec tout ce que cela comporte d'ennuyeux. Il fait partie du conseil de l’angélisme noir, celui qui fait briller le cosmos d’un faisceau sépulcral, sur lesquels viennent mourir les arpèges tonitruants de Lessons. SOHN est déjà si haut. Qui est assez grand pour lui tendre la main ou lui dérober le coeur ? 

9/10


(4AD/Wagram)

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